< Tous les articles

L'assiette du futur

Pourquoi faut-il encore fêter Noël ?

Sébastien MENARD

24 décembre 2025

Chaque année, Noël revient.
Et chaque année, la même question ressurgit, parfois à voix basse : est-ce que Noël a encore du sens ?

Dans nos sociétés de plus en plus individualisées et multiculturelles, cette fête peut sembler dépassée, trop commerciale, trop codifiée.Pourtant, d’un point de vue sociologique, Noël reste l’un des rituels collectifs les plus puissants de nos sociétés contemporaines.

En sociologie, on parle de fait social total lorsqu’un événement mobilise à la fois, la famille, l’économie, la culture, les émotions, les normes sociales. Noël coche toutes ces cases.

Même ceux qui ne le célèbrent pas y sont confrontés : jours fériés, ralentissement du rythme, transformations de l’espace public, attentes sociales implicites. Noël structure le temps collectif. Noël n’est donc pas une fête “optionnelle” : c’est un marqueur social partagé.
Noël est un rituel. Noël est le ciment de la famille comme du lien social. Les sociétés ont besoin de rituels pour exister.Ils permettent de rappeler l’appartenance à un groupe, de maintenir des liens, de donner du sens au collectif. Noël joue ce rôle. Cette période réactive les liens familiaux, créé des moments de retrouvailles, et nous oblige parfois à nous parler, à se voir, à composer.

Mais c’est aussi ce qui rend Noël ambivalent. Car le rituel révèle autant qu’il rassemble, les tensions familiales, les solitudes, les absences. Noël n’idéalise pas la société. Il la met à nu.

Noël c’est en entreprise, une pause nécessaire dans un monde sous tension. Noël crée une rupture dans le rythme social habituel. Le travail ralentit, les règles changent, le temps se dilate.D’un point de vue sociologique, cette suspension est essentielle : une société qui ne s’arrête jamais s’épuise. Noël fonctionne comme une respiration collective, un moment où la performance, la productivité et l’efficacité passent temporairement au second plan. Même imparfaite, cette pause est vitale.

Noël c’est une table. Et la table de Noël est un espace hautement symbolique. Le repas de Noël n’est pas qu’un repas. C’est un espace social où se jouent la transmission, les rôles, les hiérarchies et parfois les réconciliations. Partager un repas, c’est reconnaître l’autre comme membre du groupe. C’est l’un des actes sociaux les plus anciens et les plus universels. Dans un monde de plus en plus numérique et fragmenté, cette matérialité du lien — manger ensemble, au même endroit, au même moment — reste profondément structurante.

Noël c’est donner un peu de soi et être pris entre sincère générosité et pression sociale organisée. Le cadeau est un langage social. Donner, recevoir, rendre : cette logique crée du lien, de l’attention, de la reconnaissance.Mais elle révèle aussi les tensions, les inégalités économiques, l’injonction à la joie, la marchandisation des sentiments et le malaise de ceux qui ne peuvent pas ou ne veulent pas participer. Noël met en lumière ce que la société préfère souvent taire. C’est aussi pour cela qu’il est un moment fort de solidarité et d’engagement associatif.
Noël n’est pas parfait. Mais Noël résiste ! Malgré les critiques, Noël persiste. Nous résistons. Nous persistons. Parce que Noël répond à des besoins fondamentaux : appartenir, ralentir, partager, croire, transmettre, donner du sens au temps qui passe.

Même vidé de sa dimension religieuse, Noël continue de jouer un rôle de synchronisation sociale. Il nous rappelle que, malgré nos différences, nous partageons encore certains moments communs, certaines valeurs humaines communes !
Noël n’est donc pour personne un problème. Car Noël n’est pas qu’une fête. C’est un miroir pour notre société. Une parenthèse assumée. Un moment suspendu. Et surtout un cadeau…Chaque année, Noël, nous offre une occasion rare : réfléchir ensemble à ce qui nous relie encore.
Joyeux Noël !

Sébastien MENARD